Face à la montée en puissance du commerce en ligne, les centres commerciaux doivent se réinventer pour survivre. Entre fermetures et transformations, quel avenir pour ces temples de la consommation ?
L’essor fulgurant du e-commerce
Le commerce en ligne connaît une croissance exponentielle depuis plusieurs années. Les géants du web comme Amazon, Alibaba ou Cdiscount ont révolutionné nos habitudes d’achat. La pandémie de Covid-19 a encore accéléré cette tendance, poussant de nombreux consommateurs à se tourner vers les achats en ligne par nécessité.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en France, le e-commerce a représenté plus de 112 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020, soit une hausse de 8,5% par rapport à 2019. Cette croissance s’est poursuivie en 2021 avec une nouvelle progression de 15,1%. Les prévisions pour les années à venir restent très optimistes, avec un marché qui pourrait atteindre les 200 milliards d’euros d’ici 2025.
Face à ce raz-de-marée numérique, les centres commerciaux traditionnels peinent à maintenir leur attractivité. La fréquentation de ces espaces est en baisse constante depuis plusieurs années, une tendance qui s’est encore accentuée avec la crise sanitaire.
Les défis des centres commerciaux
Les centres commerciaux font face à de nombreux défis dans ce nouveau paysage commercial. Le premier d’entre eux est la concurrence directe du e-commerce, qui offre aux consommateurs une facilité d’achat inégalée, des prix souvent plus compétitifs et un choix quasi illimité de produits.
La baisse de fréquentation se traduit par une diminution du chiffre d’affaires pour les enseignes présentes dans ces centres, entraînant parfois des fermetures de magasins. Cette spirale négative peut conduire à une perte d’attractivité globale du centre commercial, aggravant encore la situation.
Les coûts d’exploitation élevés des centres commerciaux (loyers, charges, entretien des espaces communs) pèsent lourdement sur la rentabilité des enseignes, alors même que leurs ventes sont en baisse. Cette équation économique devient de plus en plus difficile à résoudre pour de nombreux commerçants.
Enfin, l’évolution des comportements des consommateurs, qui recherchent désormais des expériences d’achat plus personnalisées et plus engageantes, oblige les centres commerciaux à repenser entièrement leur modèle.
Les stratégies de réinvention
Face à ces défis, les centres commerciaux n’ont d’autre choix que de se réinventer pour survivre. Plusieurs stratégies sont mises en œuvre pour tenter de renouveler leur attractivité.
La diversification des activités est l’une des pistes les plus explorées. De nombreux centres commerciaux intègrent désormais des espaces de loisirs (cinémas, salles de sport, espaces de jeux pour enfants), des services (cabinets médicaux, crèches) ou encore des espaces de coworking. L’objectif est de créer des lieux de vie complets, allant au-delà de la simple fonction commerciale.
L’expérience client est également au cœur des préoccupations. Les centres commerciaux misent sur des aménagements plus conviviaux, des animations régulières, des services personnalisés pour se démarquer du e-commerce. Certains développent des applications mobiles permettant de guider les visiteurs, de leur proposer des offres personnalisées ou de faciliter le paiement.
L’omnicanalité est une autre stratégie clé. De plus en plus de centres commerciaux développent leur propre plateforme de e-commerce, permettant aux clients de commander en ligne et de retirer leurs achats sur place. Cette approche vise à combiner les avantages du digital et du physique.
Enfin, certains centres commerciaux optent pour une montée en gamme, en attirant des enseignes premium ou en créant des espaces dédiés au luxe. Cette stratégie vise à se positionner sur un segment moins concurrencé par le e-commerce.
Les nouveaux concepts de centres commerciaux
Au-delà de ces stratégies d’adaptation, de nouveaux concepts de centres commerciaux émergent, repensant en profondeur l’expérience de shopping.
Les « retailtainment centers » misent sur le divertissement comme moteur principal d’attractivité. Ces espaces accordent une place prépondérante aux activités de loisirs, aux restaurants et aux événements, le shopping devenant presque secondaire. Le Mall of America aux États-Unis en est un exemple emblématique, avec son parc d’attractions intérieur et ses nombreuses attractions.
Les « lifestyle centers » se présentent comme des quartiers à ciel ouvert, mélangeant commerces, restaurants, espaces verts et parfois même logements. Ces concepts visent à recréer une ambiance de centre-ville, plus chaleureuse et authentique que celle des centres commerciaux traditionnels. Le Village Royal à Paris s’inscrit dans cette tendance.
Les « smart malls » misent quant à eux sur la technologie pour réinventer l’expérience client. Reconnaissance faciale, paiement sans contact, réalité augmentée, ces centres commerciaux du futur intègrent les dernières innovations pour faciliter et enrichir le parcours d’achat. Le K11 MUSEA à Hong Kong est un exemple de cette nouvelle génération de centres commerciaux ultra-connectés.
L’impact sur l’immobilier commercial
Cette évolution des centres commerciaux a des répercussions importantes sur le marché de l’immobilier commercial. Les investisseurs doivent repenser leurs stratégies face à un secteur en pleine mutation.
La valeur des actifs des centres commerciaux traditionnels est sous pression. Les difficultés rencontrées par certaines enseignes, les fermetures de magasins et la baisse de fréquentation pèsent sur les valorisations. Les investisseurs sont de plus en plus sélectifs, privilégiant les actifs « prime » situés dans des zones à fort potentiel.
Les travaux de rénovation et de transformation des centres existants représentent des investissements conséquents. La modernisation des espaces, l’intégration de nouvelles technologies, la création d’espaces de loisirs nécessitent des budgets importants. Ces investissements sont nécessaires pour maintenir l’attractivité des centres, mais pèsent sur la rentabilité à court terme.
De nouveaux types d’actifs émergent, comme les « dark stores » ou les centres de distribution urbains, répondant aux besoins logistiques du e-commerce. Ces espaces, souvent situés en périphérie des villes, connaissent un fort développement et attirent l’attention des investisseurs.
La mixité des usages devient un critère clé dans l’évaluation des projets immobiliers commerciaux. Les développements associant commerces, bureaux, logements et espaces de loisirs sont de plus en plus prisés, offrant une meilleure résilience face aux aléas économiques.
Perspectives d’avenir
L’avenir des centres commerciaux reste incertain, mais plusieurs tendances se dessinent pour les années à venir.
La polarisation du marché devrait se poursuivre. Les centres commerciaux les mieux situés, offrant une expérience client différenciante et une mixité d’usages, devraient continuer à performer. À l’inverse, les centres de seconde zone, moins attractifs, risquent de connaître des difficultés croissantes.
La transformation des espaces va s’accélérer. De nombreux centres commerciaux vont être amenés à se réinventer en profondeur, certains pouvant même changer totalement de vocation (transformation en bureaux, en logements, en espaces logistiques).
L’intégration du digital dans l’expérience physique va s’intensifier. Les frontières entre commerce en ligne et commerce physique vont continuer à s’estomper, avec le développement de solutions omnicanales toujours plus poussées.
La dimension environnementale va prendre une importance croissante. Les centres commerciaux devront intégrer les enjeux de durabilité dans leur conception et leur exploitation, pour répondre aux attentes des consommateurs et aux exigences réglementaires.
Enfin, le rôle social des centres commerciaux pourrait être amené à se renforcer. Au-delà de leur fonction commerciale, ces espaces pourraient devenir de véritables lieux de vie et de rencontre, jouant un rôle important dans la cohésion sociale des territoires.
Face à la révolution du e-commerce, les centres commerciaux sont contraints de se réinventer. Entre adaptation et transformation radicale, leur avenir dépendra de leur capacité à offrir une expérience unique, alliant commerces, services et loisirs. L’immobilier commercial entre dans une nouvelle ère, où flexibilité et innovation seront les maîtres-mots.